Quand nous voyons un top 14 avec les résultats étranges de la dernière journée (et des équipes qui semblent fatiguées), une équipe de France en difficulté ( et des joueurs sans ressorts)… et que pointent des sujets comme la récupération ou les problèmes de calendrier …. Ecoutons les « sages » du jeu … pour apprendre…
Conrad Smith, trois quarts centre de la Nouvelle Zélande, championne du Monde, est un homme intéressant par son niveau de jeu, mais aussi son approche du haut niveau.
Ses commentaires sont rarement stériles.
Il a été excellent en Super 15, puis dans le Four Nations, mais il a terminé sur les rotules sa saison 2012… avec un match plus que moyen contre l’Angleterre, et une défaite après 20 matchs et plus d’un an d’invincibilité.
« Le rugby est un sport de combat. La récupération après les matches prend du temps »
Il avait déclaré en décembre 21012 (interview Midi Olympique décembre 2012): « j’ai disputé vingt sept matches cette saison, c’est trop »
Alors que certains joueurs en France, joue trente cinq matches ou plus … « oui, c’est de la folie. Le rugby est un sport de combat. La récupération après les matches prend du temps ».
le rugby est sport de combat… « le milieu du terrain continue d’être un endroit assez violent au rugby. Les trois quarts sont de plus en plus athlétiques, le jeu de plus en plus direct. Quand un tank entre dans un mur de briques, ça secoue… »
Rappelons le top 14, c’est 28 matches, plus quelques matches de plus pour les phases finales, la H cup, c’est 6 matches plus quelques matches de plus pour les phases finales, l’équipe de France, c’est 12 matches (5 matches 6 nations, puis 3 matches tournée juin en Nouvelle Zélande, puis 3 matches pour l’automne)… pour les bons joueurs qui postulent à être le meilleur en club, en équipe nationale, et en Europe… c’est beaucoup… toute l’année…. et les années se suivent, avec peu de repos…
Que fait Richie Mc Caw, capitaine de l’équipe des All Blacks en 2013 ? … Il prend une année sabbatique pour mieux recharger ses batteries et pour se préparer à la défense du titre mondial en 2015 en Angleterre, dernier challenge probable de sa carrière.« Bien sûr, si je joue encore et que les entraîneurs pensent que je suis le joueur adapté à la situation, et il n’y a pas de raison que ça n’arrive pas. »
En effet , à 31 ans, Mc Caw a besoin de souffler et de libérer son esprit de la souffrance du rugby de haut niveau.
« Le plaisir, c’est un drôle de mot »…. plutôt une souffrance qui amène du ‘bonheur’ et de la fierté……
(1) Dans un article intitulé « De la douleur, est venu le plaisir« , McCaw raconte au Telegraph : « Avant la Coupe du monde, j’avais dit que je voulais en profiter, prendre du plaisir. Mais arrivé à mi-chemin, je me suis rendu compte qu’il était impossible d’y prendre du plaisir et je me suis juste dit : ‘Tout ce que je veux, c’est que ce soit fait’. Les gens regardent un match de rugby et pensent vous y prenez vraisemblablement du plaisir. Mais sur le terrain, par moments je n’en prends clairement aucun. Et c’est même sacrément horrible. (‘bloody horrible’). »
» ce ne sont pas des moments agréables » surtout en jouant blessé, au pied droit : « Avec le recul, il y a eu des moments horribles pendant le tournoi. Mais après ça, les gens vous tapent dans le dos et le bonheur arrive. Ce ne furent pas des moments agréables, mais on regarde ce qui s’est passé avec beaucoup de fierté. C’est bien de l’avoir fait. A la toute fin, c’était une bonne sensation. Et si on veut le refaire, il faut s’assurer d’une chose : que nous aurons le même désir et la même volonté qu’alors. »
Un conseil indirect à l’Equipe de France: « Chaque équipe qui a gagné la Coupe du monde est passée par des moments où elle sait que son destin aurait pu tourner différemment »
Richie McCaw explique notamment que la défaite en quart de finale en 2007 à Cardiff contre la France aurait pu le conduire à ne pas repartir (« Suis-je le capitaine qu’il faut?« ). Plus fort, il a puisé dans cette expérience les ressources qui ont permis à la Nouvelle-Zélande de se surpasser. Et connaitre la fragilité du haut niveau. « Chaque équipe qui a gagné la Coupe du monde est passée par des moments où elle sait que son destin aurait pu tourner différemment »
Des joueurs ballotés entre l’équipe de France et leur club, avec une surcharge de travail… de qui dépendent-il vraiment?
Mourad Boudjellal rappelle des « vérités » … économiques. (2)
A qui appartient le joueur ? au club , au rugby français ?
Une compensation financière est accordée à tout international sélectionné, « 500 euros par jour et par joueur. C’est totalement ridicule. Vous croyez qu’avec 500 euros par jour je vais pouvoir remplacer mon international par un joueur sensiblement du même niveau ? Et la FFR veut qu’on paye les joueurs mais qu’ils restent à leur disposition. Economiquement, c’est impensable ! Un club de Top 14, c’est une entreprise. Il y a des emplois en jeu. Il faut que la FFR en tienne compte. On n’est plus dans un système associatif ! Si la FFR s’acquitte de 100 % de la rémunération du joueur quand celui-ci est mis à disposition du XV de France, j’admets qu’elle puisse participer à la gestion du calendrier du joueur. Mais là, on paye un salarié et on ne peut pas l’avoir. C’est aberrant« . Il n’a pas tort le président de Toulon… je me mets à sa place… du payeur !
Indemnisation plus forte ? il approuve. « En Angleterre, la fédération dédommage les clubs à hauteur de 200.000 euros par international et par an. Si, demain, les clubs sont indemnisés à leur juste valeur, on pourra remplacer nos internationaux lors de leurs absences et leur aménager un emploi du temps idéal. Il faut que l’on discute« .
Les statistiques : fléau de notre époque… un truc simple pour les chaines de TV à faire passer en boucle…
Enfin, pour la fin, la parole à Conrad Smith sur les statistiques… « je n’ai jamais aimé associer des montagnes de chiffres au rugby. Ces stats de plaquage, ces records d’essais ou de passes après contacts, je ne les emporterai pas dans ma tombe. »
Réduire l’impact d’un joueur à des chiffres individuels est une erreur fondamentale… nous ne pouvons pas inclure toutes ses actions indirectes utiles au résultat… quel est son action réel dans les moments chauds ou importants? l’aide qu’il apporte à ses coéquipiers? son jeu sans ballon, qui aide à la réussite des autres? etc.
Cela aide sûrement à des fins de travail personnel, mais pas à juger la valeur réelle et l’impact sur le collectif d’un joueur.