– Salut, comment s’est passé ton tournoi ?
– Et bien j’ai perdu… coach
– D’accord, qu’est ce qui s’est passé ?
– J’ai l’impression d’avoir bien joué mon match…une bataille de service…jusqu’à 4 partout…cela jouait bien … puis j’ai perdu mon service puis le set 6-4 ensuite j’ai une baisse …j’ai été mené 4-0, 15-40 et j’ai gagné le jeu et je suis remonté 4-3 puis 5-4 mais j’ai envoyé un coup droit dehors 30A… et j’ai perdu…
– Donc au final, plutôt un bon niveau de jeu ?
– Oui…
– Mais je vois que tu as eu une baisse, comme tu l’appelée, de 6 jeu de suite… 3 jeux de services et 3 jeux de retours que tu perds…que s’est il passé ?
– Oui…je ne sais pas…je ne savais plus quoi faire…j’étais un peu perdu sur le terrain…rien ne marchait…
– Est-ce que c’est lui, ton adversaire, qui jouait mieux…ou toi qui as baissé de niveau ? A ton avis ?
– Je ne sais pas… je pense qu’il y avait des deux…mais j’ai l’impression que plus il gagnait les points, plus j’essayais de gagner le suivant, et je faisais la faute… et cela …cela était dur …et…
– Cela te paniquait ?
– Oui un peu
– Et cela arrive souvent
– Non, mais mon entraineur me le dit parfois que je sors du jeu… et là je perds plus facilement…
– Comme ce qui s’est passé ?
– Oui
– Alors essayons de comprendre ce qui se joue pour toi…N’oublie pas que tu as le droit de dire toutes tes émotions et tout ce que tu penses… nous sommes en train de comprendre ce qui s’est passé… nous devons tous mettre à plat pour observer ce moment …et pour pouvoir trouver des solutions pour s’améliorer la prochaine fois… Cela t’arrive donc de temps en temps de « lâcher » pendant plusieurs jeux ?
– Oui
– Même à l’entrainement, il me semble… comme le soulignait ton entraineur, je t’ai vu lâcher des matches… je t’ai vu, lors d’entrainement, comme être absent, et cela durait 10 minutes au moins. C’est quelques jeux au compteur…surtout pour un adversaire solide, de ton niveau…qui se sert et profite de ton absence passagère.
– Oui cela arrive…
– Alors ?
– Oui…je crois que j’avais peur…
– C’est à dire, comment cela se traduit ?
– Je me dépêche sur le court…j’essaye de gagner le point plus vite…je tente des coups gagnants… je pense beaucoup aussi… et je perds confiance…je ne suis pas sûr de gagner et…la peur de perdre qui vient …
– Si tu devais dire « j’ai peur de quoi ? », qu’est ce que tu pourrais me dire ?
– Bien je ne sais pas… j’ai peur de quoi ? …. J’ai …j’ai …peur de perde la finale…peur de ce que l’on va me dire après le match…
– C’est qui « on » ?
– Bien… mon papa…mon entraineur…les copains…quand je reviens au club, devoir le dire aux copains, ça c’est chiant…
– Ok, et tu y pense sur le court ?
– Oui, parfois…
– Quand ?
– Au changement de coté…quand je regarde mes parents en dehors du court… et puis je me dis aussi que je ne suis pas assez fort… que l’autre est plus fort que moi…
– Ah bon ? Tu te dis cela…
– oui, …mais je ne le dis à personne…car mon entraineur me dit que cela n’est pas bien…qu’il faut faire autrement…que je dois avoir confiance en moi…
– La confiance en soi…c’est la confiance que nous nous donnons à nous même pour comprendre la situation, trouver une solution, et l’appliquer… cela faudrait la peine de développer cela…une autre fois même si cela est essentiel…
– Moi, ce que je voudrais savoir c’est quoi faire pour éviter de prendre 6 jeux de suite quand je suis aussi fort que mon adversaire ? Comment arrêter cette « hémorragie de jeux perdus » ? Qu’est ce que je fais, qu’est ce que je pense, dans quel état émotionnel je suis, pour faire face à cette situation ?
– Cherchons si tu veux…? … Cela commence comment ?
– Je perds un point, puis un deuxième quand je sers a 4-4, c’est donc 0-30… alors là, j’ai l’impression que j’ai merdé et que je ne vais pas réussir à revenir…gagner 4 points semblent irréalisable…
L’autre ne fait plus de faute, il joue long…et moi, je tente…et des fois, j’essaye de remettre la balle…et je ne sais plus comment jouer… quand j’ai perdu ce jeu…je m’assois et je pense à ce que je viens de faire… et je repars avec la volonté de gagner le jeu suivant…mais je perds un point et patatras …tout s’enchaine…je ne sais plus comment faire…
– Impuissance à trouver la solution…
– Oui
– Et si tu jouais le meilleur joueur du monde…Nadal ou Federer ? Cela serait pareil ?
– Oh non, c’est normal qu’il soit plus fort
– Alors que là, ce n’est pas normal ?
– Non
– Alors qu’est ce que tu ferais contre Nadal ?
– J’essayerai de jouer point par point…d’en gagner un puis un autre….
– Tu ne t’occuperais pas du score ?
– Non, ….je sais que j’en prendrais une bonne… juste prendre du plaisir
– Plaisir à en prendre une bonne ?
– Non plaisir à joueur contre le meilleur joueur du monde
– Plaisir à jouer donc… Tu as trouvé un des premiers points essentiels « d’abord jouer » car je vois trop souvent les joueurs en perdition qui abandonne le jeu… trop centré sur les pensées qui les emmènent en dehors du terrain…ce que pense les autres…ce que je pense moi…les conséquences de ce résultat…
Ils zappent le jeu.
Revenir au jeu, c’est-à-dire que l’important, ce sont les actions que je fais sur le court… avec un esprit en pilotage automatique sur l’Histoire de chaque point ? Qu’est ce que je décide, mon intention de jeu ? Plus agressif ? Plus de patience ? Joueur sur son point fort, sur son point faible ?
– L’histoire de chaque point ?
– Un match est comme un livre avec des chapitres, chaque point est comme un chapitre…laisse toi vivre et ne cherche pas à savoir la fin trop tôt… tu l’écris au fur et à mesure…alors la fin pourra être ce que toi et ton adversaire décideront…n’oublie jamais ton adversaire, il fait partie du livre …si tu ne veux pas de cette incertitude. Alors va faire du théâtre ou un film…là on connait la fin ! C’est ça qui est bien avec le sport, c’est que l’on ne connait pas la fin…tout peut se passer …et que tu écris les pages de l’histoire, que sont ton match, les livres de ta carrière que sont tes saisons, …en espérant devenir « immortel » comme Federer qui a une bibliographie qui va rester dans nos mémoires.
– Et je dois apprendre de chaque livre
– Bingo !
Alors ce livre ?
– Bien…j’ai oublié de jouer. C’est vrai… j’ai oublié que j’avais un adversaire …qui jouait bien en profitant de mes absences…j’ai été trop obnubilé par la fin du match…de l’histoire et je n’ai pas pris de plaisir à…l’écrire… je voulais …la fin … à mon avantage…
– Et tu as le droit de mal écrire une histoire à condition d’apprendre de celle-ci. « Je grandis par mes échecs » …Plus d’humilité… l’histoire s’écrit avec ton adversaire et avec toi-même. Ce n’est peut être pas un manque de confiance ? Peut être une difficulté à accepter l’adversité, une opposition à ce que tu veux et tu … te coupes…
– Ok merci pour le conseil. Je dois accepter qu’il y a un adversaire et que le résultat ne sera que la conséquence de mon action sur le court… je dois jouer
– Joue et on verra…
– J’y vais de suite et je vais le mettre en application à l’entrainement
– Sûr car c’est plus facile à comprendre te à dire qu’à faire …
– on est toujours tenté…
– C’est qui « on » ?
– Oui, c’est moi de temps sur le court aussi… A bientôt.