Bartoli, clap de fin?
Doit on s’en réjouir pour elle?
Vécue comme Marie-Claire Restoux (1), nous aurions aimé ajouter un titre, comme adore en faire le journal l’Équipe, « faim d’une nouvelle vie » avec une Marion Bartoli, rayonnante, sourire et sentiment de devoir accompli. Une sortie préparée, qui lui ouvre les portes de nouveaux horizons…
Au lieu de ça, une fin de carrière, annoncée devant une salle de presse médusée par la soudaineté de l’information. « C’était en fait le dernier match de ma carrière. Désolée. Il est temps pour moi de me retirer, de mettre un terme à ma carrière. Je sens qu’il est temps que je parte« …avec un visage déchirée, et mine déconfite
Document FranceTVInfo – (ATPmedia/Fox sport)
Chaque joueur ou joueuse arrête comme il ou elle l’entend… mais dans le cas de Marion Bartoli, cela sent le dépit… et on n’arrête pas sur du dépit… la cause à un physique, qui la lâche, une lassitude et fatigue trop grande, et ce « Graal absolu » qui a obtenu en juillet dernier, lui enlève finalement toute motivation pour la suite… oui, mais…
elle jette simplement l’éponge, sans avoir préparé la suite, semble t’il…
Besoin d’indépendance, en dette d’énergie et signaux de « burn out »… pas le moment de prendre une décision radicale de fin de carrière …
Les champions connaissent ce vide de l’ « graal conquis », en atteignant après un objectif fort, qui tient du « rêve ». L’après Roland Garros 1983 de Noah est dans les souvenirs de tous … mais il a poursuit sa carrière sortant du top 10 mondial en 1988, 5 ans après…
Pour Marion Bartoli, en perte de repères, elle semble s’abandonner à ce spleen baudelairien, avec des sentiments d’abattement, d’isolement, d’angoisse et de réflexions existentielles… Pendant des mois, des années, hantée jours et nuits jusqu’à friser l’obsession, elle a axé sa préparation et son mental vers cette quête de titre de Grand Chelem… Et maintenant, elle n’en veux plus de cette vie… elle n’en peux plus… avec des allures de « burn out »…
On peux voir maintenant les dangers d’une telle dépendance vis à vis de son père… on connaît bien ce stade de dépendance, bénéfique pour des jeunes, sans expérience, qui ont besoin de repères pour progresser. La personne a besoin de s’identifier à la relation pour se construire. Elle ne peut pas prendre de décision, elle apprend par le modeling, par l’écoute, par la démonstration. Son père était un « héros » pour elle… mais l’étape ne doit se prolonger au delà du temps nécessaire sous peine de devenir négatif pour la personne et la relation. Marion en était devenue la « victime soumise » ou « enfant modèle » … c’était « nous », « nous », « oui », « on » plutôt que « je »…
Cette année a été une étape forte de sa contre dépendance. Avec le besoin de se démarquer de celui qui l’a formée. Avec un aspect positif: elle avait besoin de dire non et de s’opposer, pour savoir ce qu’elle veut et ce qu’elle est. Commençant à faire l’expérience du réel, elle découvre sa propre parole. Elle commence à dire non, et commence à devenir « je ». Avec des contraintes d’ajustements, de contestations, des essais, des erreurs, des prises de risque sur le plan des opérations et dans la relation avec l’entraîneur… son début d’année a été difficile, avec des essais d’entraineurs, très vite remplacés… Mais l’enjeu était de taille: une affirmation de soi.
Elle quitte le confort de la dépendance, et gagne la permission de dire non et de s’affirmer… Elle veut Mauresmo, elle veut faire partie d’une équipe de France, elle veut suivre sa route, sans son père… un père qui essayera de garder la main sur sa fille…il ne sera pas le seul à profiter du succès de Wimbledon. Partagé avec Mauresmo, cette concrétisation d’une carrière arrive, un peu par surprise.
Place à la phase de l‘Indépendance: Elle expérimente sa propre identité. Elle se sent compétente de se prendre en charge elle-même….mais cela prend du temps, de l’énergie…elle n’a pas les repères et le modeling pour le faire… perdue, un peu abandonnée de l’euphorie anglaise, et de son suivi fort en reconnaissance, elle n’est plus conditionnée par ceux qui l’ont formée. Elle entame son apprentissage d’être seule. Elle ne demande plus,
centrée sur elle-même, elle a tendance à prendre les décisions, en s’enfermant sur elle même, sans demander, sans parler aux autres de ses problèmes, de ses options possibles… cette phase d’indépendance est très consommateur d’énergie… car c’est une phase de séparation et de refus de la relation. Il y a un besoin d’espace, de vivre à son rythme, et trouver sa propre identité. Avec le danger de n’en faire qu’à sa tête… on entends déjà ses annonces « «Je suis toujours entière dans mes décisions et je ne reviens pas en arrière. Je ne changerai pas d’avis.»
Et si cette fin abracadabrante n’était-elle pas que l’appel à l’aide d’une personne, qui après une période de résistance physique et émotionnelle, forte consommatrice d’énergie, est passée en “épuisement”…
A t’on écouté et observé ses signaux du corps et les signes d’un déséquilibre “pression/récupération” (2)…
Tout a été trop vite, trop fort, sans préparation, sans réparations….
Avant l’effondrement de la sensibilité du corps…
Manque de préparation, et une décision sans véritable réflexion…
Finalement, l’ année 2013 a été laborieuse avec beaucoup de rebondissements, une volonté de séparation du père, qu’il a toujours couvé, choyé, mais aussi « bunkerisé » sa Marion, des recherches de personnes nouvelles autour d’elle, une envie forte de découvrir une autre façon de vivre et de fonctionner professionnellement…
Et pourtant, un titre en juillet (le suprême, le rêve de toute une vie), et le « cirque médiatique » qui suit, les « nouveaux amis », et les moments où elle va rechercher, semble t’il, la reconnaissance qu’elle n’a jamais eu de l’extérieur jusqu’ici (Bob Sinclar, l’OM, etc.)… elle était heureuse de voir autre chose…
Et surtout moins de moments passés sur les terrains, moins de concentration sur son métier, et le « bleu de chauffe » de la joueuse professionnelle, est dur à remettre… des soucis physiques qui la freinent, un oubli risible de raquettes à Toronto, deux défaites rapides… il est clair que Marion Bartoli n’était pas prêt à repartir dans le monde qui était le sien il y a quelques semaines. Celui qui demande force de caractère, abnégation, fierté et grande énergie…. Est ce qu’elle s’est mise aussi une pression supplémentaire en tant que la championne de Wimbledon ? Le « sac à dos » était peut être bien lourd à porter.
Elle se déclare « épuisée »… et elle paie surtout son manque de recul et préparation à son retour à la compétition…
Même si elle veut nous montre un visage souriant à la télévision, peut être une façade…. elle semble montrer son comportement habituelle de ténacité, de résistance et d’opiniâtreté sous des apparence de « sphinx souriant » … avec des manifestations de son message « Sois fort » – mais avec ses dérives : trop exigeant avec soi même, ne rien montrer, ne rien donner. Garde tout pour soi… et un leurre: Tu vas prouver que tu es la plus forte, que tu tiens le coup quoiqu’il arrive…c’est important de faire croire qu’on est fort…Visage froid et sans mouvement. Voix monotone… Elle tient le coup la Marion!
Elle a toujours bataillé « contre »… pour être meilleure.. Etre la meilleure. Encore maintenant, elle sera plus forte que l’opinion des autres. Contre les avis des autres, elle tiendra bon…
Un sacré remerciement pour Amélie Mauresmo, qui a semble t’il aidé Marion dans sa quête suprême, mais qui se retrouve maintenant sans sa numéro 1 pour les échéances prochaines de Fed Cup… Mais nous savons que le tennis est un sport très individuel, voire égocentrique… le Moi d’abord prime sur les autres … Elle aurait pu aider et rendre à Amélie un peu de son temps et de son aide… une revanche pour toutes ses années, où elle a été mise au banc par la FFT et par les autres joueuses? « Tacle par derrière » inconscient d’une amoureuse de l’OM?…
Mais pourquoi arrêter comme ça, sans y avoir plus réfléchi?
Certes, on ne force quelqu’un à continuer…mais pourquoi pas lui demander de se prendre le temps de réfléchir, de se poser, avec un repos salutaire, pour décider,
Au lieu de prendre « acte de sa décision », ses « amis » ne pourraient-ils pas la conseiller de se reposer (3), prendre le temps de refaire le point avec ses proches, lui dire de se refaire une santé …pour prendre une décision de continuer ou d’arrêter…
mais tout cela est possible que si Marion veut se mettre à l’écoute des autres… ce qui ne semble pas le cas à ce jour … «Je suis toujours entière dans mes décisions. Je ne changerai pas d’avis»
Vraiment … on n’arrête pas comme ça, un arrêt sur le dépit d’une défaite… est ce honteux d’avoir du mal en ce moment?
Et après?… fantasme de la championne adulée, que tout le monde aimera… la période est souvent douloureuse…
« Il y a autre chose à vivre dans la vie », dit on… certes, mais pour le sportif de haut niveau , on ne vit qu’une fois ces moments là, et après l’arrêt, il a la réalité de la vie, sans l’adrénaline, sans la reconnaissance du champion, sans le pourquoi je me lève depuis plus de 20 ans, tous les jours, pour « réussir ma vie »… il a un arrêt définitif (la petite mort), avec une vie que l’on aimait au plus profond, même si c’était parfois, pour certains, dans la douleur et la difficulté …le bonheur du sportif a un reflet un peu masochiste …le deuil de la compétition est là, souvent dur à vivre… et c’est l’arrêt d’une chose extraordinaire, et le début d’une autre, à créer… pour l’instant tout est rose, dans sa tête « J’étudierai les propositions pour commenter ou intervenir sur des tournois… Je vais prendre le temps »
On se rappelle des déclarations de l’athlète marocain Hicham El-Guerrouj, « Le plus dur, c’est le vide laissé par la compétition… C’est comme un manque, une drogue, et il faut alors être très fort pour canaliser, pour calmer ce besoin. Il n’y a plus d’envie pour les choses, même quand on a le temps. »
Arrêter une carrière sportive, c’est quitter le monde de l’élite, ne plus rêver de titres. C’est aussi devoir remplir son agenda, attendre des coups de téléphone qui ne viennent pas, ne plus voir son nom dans les journaux… abandonner sa symbolique de sportif…redevenir une femme « normale »… Est elle prête pour vivre ce deuil ?
Attention au fantasme du champion qui restera dans les annales et la mémoire de tous… Restera t’elle dans le vie de tous, dans quelques semaines ou dans quelques mois…? Rappelons que peu de monde, même et surtout dans le tennis, aimait Marion Bartoli, et même si beaucoup ont « tourné leurs vestes » pour des intérêts médiatiques ou de Fed cup… Que restera t’il de ses amitiés de la dernière heure ? Va t’on l’aider dans sa reconversion ?
« Tout le monde se souviendra de mon titre à Wimbledon – personne ne se souviendra de mon match joué ici »
certes, mais on se souviendra de cette rocambolesque annonce à la va-vite et est ce que Marion vivra vraiment bien cette transition ?
Repos, et partage. Prendre soin d’elle même. Partage ensuite avec ses proches pour réfléchir et décider de sa vraie fin…. On lui souhaite…. Cela aurait une touche plus constructive et optimiste pour Marion Bartoli.
Et pourquoi pas se laisser l’opportunité de son retour futur à la compétition… si elle le désire?
Marie-Claire Restoux (1)
Marie-Claire Restoux, championne olympique de judo à Atlanta (1996) “. J’avais programmé ma dernière compétition, mon dernier combat et j’ai bien vécu cette transition. »
(2) déséquilibre “pression/récupération”
Physique : Blessures, douleur, fatigue, faim, estomac, perte de sommeil, tremblements, allergies de peau, etc.
Émotionnel : susceptibilité, tristesse, repli, irritation, nervosité, peur, perte de confiance, anxiété, isolement, perte d’intérêt, autocritique, pleurs…
Mental : démotivation, confusion, distraction, perte de concentration, perte d’humour, peur de la nouveauté, fixation sur le passé, blocage sur les détails…
(3) Forget est de ceux là «Marion est une fille très intelligente et tellement tournée vers son sport que je préfère rester prudent, surtout pour des propos formulés après une défaite… Si j’avais un message à lui faire passer, ce serait de ne pas se précipiter, de prendre son temps, d’aller à la plage quelques jours, d’aller courir dans un parc, juste pour se remettre les idées au clair. Si elle veut faire l’impasse sur l’US Open, très bien, mais ne pas s’arrêter comme ça, prendre une telle décision radicale qu’elle pourrait ensuite regretter.» (site ATP)